Dans son numéro du 4 Mai 2019, le magazine allemand d’investigation Der Spiegel (équivalent des magazines français Le Point ou L’Express) consacre un dossier complet à la transition énergétique mise en œuvre à marche forcée en Allemagne depuis deux décennies : « Travail bâclé en Allemagne » est la traduction du titre de couverture et le « Blackout vert » celle du titre du dossier, ce qui donne la mesure des désillusions des citoyens allemands par rapport à ce sujet particulièrement sensible dans un pays où le parti écologiste participe à la vie politique depuis 50 ans.
Lire ci-dessous l’analyse du dossier faite par le journaliste et économiste Philippe Manière :
« Transition énergétique allemande : le fantasme fait place à la gueule de bois »
En Allemagne mais aussi partout ailleurs, l’enthousiasme écologiste béat des dix années passées cède la place à un examen plus rationnel du rapport coût-avantage de chaque énergie et du bien-fondé de la « transition ». Celui-ci est bien plus douteux qu’on pensait…
« Travail bâclé in Germany ». Voilà à peu près ce que signifie le titre de couverture du tout dernier numéro du Spiegel, le plus puissant hebdomadaire allemand. En arrière-plan, on voit une forêt d’éoliennes cassées et de pylônes électriques déconnectés. Une image évidemment exagérée, mais qui en dit long sur la conscience qu’a aujourd’hui l’opinion allemande de l’échec de l’ »Energiewende », ce basculement énergétique décidé par notre voisin au début du millénaire et radicalement accéléré en 2011 après l’accident de Fukushima, qui avait amené la chancelière allemande, Angela Merkel, à décider la sortie de son pays du nucléaire. Dès 2018, l’Allemagne avait dû admettre que ses objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre ne seraient pas tenus dans les délais annoncés –elle avait même ouvert de nouvelles mines de charbon… Aujourd’hui, les experts sont en mesure de dresser un bilan des huit premières années de la transition accélérée voulue par Berlin, et il est à peu près désastreux. « Tout le projet est en train de dérailler », écrit le Spiegel.
Exagéré ? L’Allemagne a investi depuis 2010 plus de 30 milliards par an dans le basculement et l’on prévoit une facture globale de plus de 500 milliards à l’horizon 2025 –pour partie constituée de subventions et crédits publics, pour le reste financé par les ménages et les entreprises sous forme de hausse de prix. Une étude chiffre même à plus de 3.000 milliards d’euros (oui, 3.000 milliards!) les investissements requis d’ici à 2050, si l’Allemagne persiste dans son intention d’accroissement de la part du solaire et de l’éolien dans son mix énergétique. Des sommes faramineuses. Or, le résultat est spécialement déprimant: malgré les centaines de milliards déjà mis sur la table, les émissions de gaz à effet de serre de l’Allemagne sont au même niveau… qu’en 2009. L’Allemagne s’est certes hérissée d’éoliennes et elle accueille des milliers de km2 de panneaux solaires. Mais beaucoup ne sont pas reliés au système de distribution, ou pas convenablement, faute que le réseau ait suivi. En outre, là où elles sont connectées, ces installations ne couvrent les besoins que de manière intermittente (pas de solaire la nuit, pas de vent quand il ne souffle pas…) ce qui requiert, en complément et faute que le stockage soit rentable ou même possible, des capacités complémentaires souvent fossiles (affreux charbon et horrible lignite en tête). Une bérézina.
Alors que le modèle allemand est si souvent montré en exemple par les gouvernements français, souhaitons que ce dernier fasse preuve cette fois de clairvoyance et mette enfin un frein aux projets industriels éoliens sur le territoire français !
Tweet du député Julien Aubert, président de la commission d’enquête parlementaire sur la transition énergétique :
Sources :
Cliquer ici pour accéder à l’article en ligne de Philippe Manière.
Cliquer ici pour télécharger la traduction française du dossier de Der Spiegel.
Cliquer ici pour accéder au dossier en anglais sur le site international de Der Spiegel.
Cliquer ici pour accéder au dossier original de Der Spiegel en allemand.