L’Amassada de Saint-Victor (« Assemblée » en Occitan) est un collectif de citoyens militants qui lutte depuis plus de 5 ans contre le projet de méga-transformateur électrique d’EDF sur le causse de l’Aveyron, destiné à raccorder sur plus de 7 hectares de terrains agricoles dominant le Tarn, des lignes à haute-tension et très haute-tension alimentées par les 128 éoliennes industrielles déjà construites ou en cours de projet dans les environs, et à terme par plus de 700 éoliennes, faisant de ce territoire rural la plus grande zone industrielle éolienne d’Europe.
Ci-dessous un extrait d’un entretien avec Robert Clitton, habitant de la zone et membre de l’Amassada :
En quoi consiste techniquement le projet de transformateur et les infrastructures qui l'accompagneraient ?
En 2005, on a constaté avec mon épouse que la Préfecture de l'Aveyron avait édité un livre intitulé Réflexion cadre pour le développement des éoliennes en Aveyron. À la page 23 de ce livre, ils disaient que le gros problème de l'éolien en Aveyron c'est que le réseau électrique est saturé et qu'on ne peut plus évacuer. Et ils précisaient même qu'en 2005 on ne pouvait évacuer que 70 mégawatts [une éolienne industrielle produit entre 2 et 3 MW] et qu'ensuite on ne pourrait plus rien évacuer. Donc ils sont obligés de faire circuler l'électricité par d'autres lignes à 225.000 V : c'est un dispatch de Toulouse qui distribue l'électricité, quand il y a une ligne qui se met en surcharge on utilise une autre ligne, puis une autre ligne et une autre ligne, etc. Cela fait donc dix ans que la Préfecture sait qu'il y a une surcharge du réseau. Mais elle a continué à donner des permis pour les constructions d'éoliennes pendant encore 2 ou 3 ans, mettant ainsi le réseau délibérément en surcharge. C'est là qu'on est arrivé à 94 éoliennes en Aveyron, et il y a eu en particulier un projet de 29 éoliennes à Salles-Curan, qui ne pouvaient pas être branchées sur le réseau classique. Donc ils ont érigé leurs 29 éoliennes et ils se sont construit un transformateur privé de 20 000 volts qui est sous une ligne qui part de Saint-Victor et qui va à Rodez et Onet-le-Château. Leur poste est un poste en coupure, donc quand il y a de la place sur le réseau ils envoient l'électricité, mais si le réseau est en surcharge, ils arrêtent. Comme quoi ils gagnent quand même de l'argent, parce qu'ils arrivent à faire travailler leurs éoliennes sans vendre toute l'électricité qu'ils produisent.
On en est maintenant à 128 éoliennes qui ont le permis de construire, ça fait à peu près 280 mégawatts. Mais toutes ces éoliennes ne pourront fonctionner que s’ils font le transformateur de 400 000 volts de Saint-Victor. La seule façon d'évacuer, c'est de réorganiser tout le système électrique.
Comment vont-ils s'y prendre ?
Ils vont commencer par modifier tous les petits transformateurs autour de Saint-Victor. Ils ont déjà commencé : ceux de Sévérac-le-Château et de Millau ont été agrandis. Puis ils ont pour projet d'agrandir ceux de Lauras, d'Onet-le-Château, et le vieux transformateur de Saint-Victor-et-Melvieu (celui du Planol). Il fait actuellement 100 MW, et ils veulent rajouter 170 MW. Ensuite, ils veulent construire de grands transformateurs, un à Fondamente et un à Brusque, pour le sud-Aveyron. Celui de Fondamente doit coûter 3.900.000 €, celui de Brusque aux environs de 6.000.000 €, et pour évacuer l'électricité, ils vont nous construire une ligne aérienne de 225 000 V, qui va faire à peu près 20 km de long entre Brusque et Couffrau et qui va coûter 15.000.000 d'euros, un bel investissement... Tout ça pour évacuer l'électricité des 80 éoliennes pour lesquelles ils ont déjà les permis dans le sud-Aveyron. A Mélagues, il y a un permis pour 19 éoliennes et un second pour 14 de plus. Ensuite, de l'autre côté vous avez Brusque, où le permis à été donné dernièrement : il y a 7 éoliennes. Un peu plus loin vous avez le Merdélou, ils en avaient déjà 12 et il y a un nouveau permis pour 7. Si on calcule juste ça, ça fait 47. Après vous remontez légèrement en longeant la limite avec l'Hérault, vous avez Tauriac-de-Camarès où il y en a 8, Montagnol où il y en a 8 et Fondamente où il y en a 6. Tout ça c'est la bordure sud du département. Et toutes ces lignes qui partent des éoliennes vont aller au transformateur de Brusque et de là, par la ligne de 225 000 V, jusqu'à Couffrau. transformateur de Brusque et de là, par la ligne de 225 000 V, jusqu'à Couffrau. Le transformateur de Fondamente, quant à lui, est sur la ligne Lauras-Bédarieux, c'est une 63.000 V qui remonte à Saint-Victor.
Et de là, grâce à leur nouveau projet de méga-transformateur 400.000 volts (et 2100 MW), ils pourraient envoyer l'électricité jusqu'en Espagne et au Maroc en se reliant à la ligne 400.000 V qui passe à Saint-Victor. Elle part du Massif Central pour aller du côté de Perpignan. Elle ne s'arrête nulle part, c'est une autoroute. Et là ils feront un arrêt au milieu, à Saint-Victor. Et ils veulent la doubler dans les années qui viennent...
Vous voyez donc que tout est lié dans ces projets de construction : ils ne peuvent faire le transformateur de Brusque que s’ils augmentent la capacité de celui Couffrau, et Couffrau ils ne peuvent le faire que s’ils font le poste de 400.000 V à Saint-Victor. C'est donc le nœud du problème.
(Source : L’Amassada – Le transfo aux milles éoliennes – 02/05/2015)
Témoignage vertigineux, qui monte bien la logique implacable et le cynisme cachés derrière la soi-disant «transition écologique» promue par les industriels de l’éolien soutenus par l’Etat français (actionnaire à plus de 80% d’EDF) : celle d’une nouvelle génération de capitalisme, «vert» (green washing), dont le seul objectif est de faire plus de profit en vendant plus d’électricité d’origine renouvelable, qui génère de surcroît des «crédits carbone» permettant de polluer plus, ailleurs, avec des énergies fossiles.
Pas une once d’écologie et encore moins de démocratie dans un tel projet de méga-transformateur et les projets éoliens qui y sont adossés : bétonnage des sols, perturbation de la vie animale et végétale, mépris des habitants qui se voient imposer des décisions arbitraires concernant l’évolution de leur territoire et la destruction de leur cadre de vie…
Le département de la Loire est aujourd’hui épargné par les installations industrielles éoliennes mais la menace est proche et considérable, avec plusieurs projets à des degrés d’avancement divers : Gumières, Doizieux, Taillard, la crête du Grand Caire (Chalmazel, Jeansagnière, La Chamba, etc…), les Monts de la Madeleine (Cherier et La Tuillière), Pommiers et Amions, Les Noës et Urbise, sans parler des projets qui n’ont pas encore émergés des cartons des promoteurs éoliens, qui jouent l’attentisme en cette période pré-électorale peu propice à l’obtention du soutien des municipalités en place…
C’est tout le département du Sud au Nord qui est menacé, crêtes, coteaux et zones de plaines, avec le risque supplémentaire, mis en lumière par le témoignage ci-dessus, de la prolifération à terme de lignes à haute-tension et du redimensionnement des transformateurs électriques existants, source de nouvelles nuisances pour l’environnement et les habitants.
Si un projet industriel éolien aboutit dans la Loire, c’est la porte ouverte aux promoteurs qui s’appuieront sur ce précédent pour justifier leurs projets : l’Amassada doit donc être un exemple pour les associations anti-éoliennes de la Loire et les inciter à se regrouper, pour ensemble être mieux informés, plus réactifs, plus présents sur le terrain et dans les medias.
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Pour en savoir plus sur l’Amassada : https://douze.noblogs.org/amassada/
Ressources documentaires sur la problématique de l’éolien industriel :
https://douze.noblogs.org/boite-a-outils-pour-la-com/
avec en particulier l’excellente brochure « Plaidoyer contre les éoliennes industrielles »
Pour soutenir l’Amassada :
Grande manifestation à Saint-Victor (12) le week-end du 1er Novembre 2019